AISLF

Événements AISLF en 2014

Guérir, se rétablir, aller mieux.... en santé mentale et ailleurs

Appel à communication pour un colloque qui aura lieu les 7, 8 et 9 janvier 2015 à Lille (France)

Le Bureau de l’AISLF, le CR 19 Sociologie clinique, le CR 32 Savoir, métiers, identités professionnelles organisent un colloque à l’université de Lille 1 avec le CLERSE (Lille1 ), le CERIES (Lille 3), et avec la participation du Centre collaborateur-OMS santé mentale. Les propositions de communication sont attendues pour le 1er juin 2014.

Résumé

À une époque de crise généralisée, où les sociologues sont de plus en plus conduits, par une actualité morose ou dramatique, à se pencher sur les vulnérabilités, les déclins, les catastrophes, il s’agira de prendre l’histoire à rebrousse-poil et de s’intéresser à l‘ « aller mieux », qu’on énonce celui-ci en terme de résilience, de rétablissement, de guérison, de « faire face et s’en sortir » (pour reprendre le titre d’un ouvrage dirigé par V. Châtel et M.-H. Soulet en 2002). Le centre de gravité du colloque concernera la santé mentale, mais les expériences de guérison en santé somatique ou de résilience sociale pourront être mobilisées en contre point.

Argumentaire

Le colloque est novateur dans la mesure où la sociologie qualitative de » l’aller mieux » est très peu développée (à la différence de la sociologie de la maladie ou de la souffrance). De plus, en ce qui concerne la santé mentale, les études quantitatives s’intéressent très peu à produire des chiffres sur la guérison, la rémission ou le rétablissement, à la différence de ce qui se passe pour des maladies somatiques comme le cancer.
Pourtant, malgré le déficit d’outils descriptifs et théoriques, de nombreux services psychiatriques tentent d’orienter leurs pratiques vers le » rétablissement » des patients, terme aujourd’hui privilégié pour désigner leur capacité à mener une vie normale dans la cité. Plusieurs innovations ou programmes expérimentaux se dont développés dans ce sens. Le colloque sera l’occasion de faire le bilan de certaines expériences récentes d’aide au « rétablissement », tout particulièrement le programme expérimental de médiateurs de santé pairs, et de les articuler à une sociologie des processus de l’aller mieux, envisagés à la fois dans leurs aspects politiques, pratiques, professionnels et existentiels.
Le but de la manifestation est de dynamiser ce champ potentiel de connaissance, à la fois dans sa dimension internationale et de manière interdisciplinaire (aux côtés des sociologues, principaux organisateurs, on envisage la participation de philosophes, anthropologues, psychiatres, psychologues, économistes). Les chercheurs auront également l’occasion de développer des échanges avec les institutions, les professionnels et les représentants des usagers concernés. Il s’agira à la fois et de manière croisée :
- de questionner les évolutions politiques, culturelles, institutionnelles, scientifiques qui aboutissent à la mise en avant de différents termes pour parler de « l’aller mieux ». La notion d’autonomie pourrait être également examinée, l’autonomie-émancipation et l’autonomie-adaptation semblant deux figures contradictoires de l’individualisme en modernité avancée, qui interrogent à la fois la définition de l’anormal et les critères de l’aller mieux. On cherchera à repérer les évolutions potentielles des formes contemporaines de consolation, des supports contemporains de réparation du lien social.
- d’analyser des initiatives dont le but explicite est l’évitement de la rechute, de la récidive, de l’enlisement dans une situation sociale ou psychique de catastrophe. Cela concerne diverses institutions – on s’intéressera à celles qui concernent le trouble psychique prioritairement, mais d’autres, concernant la santé somatique ou la désaffiliation sociale pourraient fournir des points de comparaison.
- de décrire des trajectoires de résilience ou de résistance et d’en repérer les conditions sociales, d’analyser les vécus individuels ou collectifs de la traversée de la maladie et de la guérison, du désastre et de la reconstruction, qui constituent des expériences fortes relativement peu investiguées sociologiquement, voire provoquent des reconfigurations biographiques qui font objection au déterminisme mécaniste, qu’il soit biologique ou sociologique.

Le colloque comprendra pour moitié des séances plénières sur invitation, pour moitié des ateliers sur appel ouvert à communications, dont voici la liste provisoire et indicative.

Axe 1- Questionnements généraux

A- Les noms de l’aller mieux : guérison, résilience, rétablissement… comme constructions socio-historiques. Approches pluridisciplinaires.
Le terme de guérison est à interroger sociologiquement et philosophiquement : comment la guérison a été pensée dans les siècles passés ? Comment la guérison est-elle pensée dans les sociétés non occidentales ? Comment différents types de professionnels construisent-ils de manière concurrente la guérison ? Quelles sont les représentations profanes ou savantes de la guérison ? Pourquoi les professionnels de la santé mentale, insistant sur la chronicité des maladies mentales, préfèrent-ils aujourd’hui le terme de « rétablissement » ? Quelles controverses animent les distinctions dans le champ lexical lié à l’aller mieux. Quels positionnements théoriques, éthiques ou pragmatiques soutiennent la préférence pour un terme donné ?

B- Guérison et inégalités sociales
Les populations précaires cumulent les désavantages : elles ont une espérance de vie plus faible ainsi que des taux d’incidence et de mortalité bien plus élevés pour nombre de pathologies, y compris mentales. Qu’en est-il face à la guérison et au rétablissement ? Quelles sont les conditions qui favorisent ou entravent le « faire face » et « s’en sortir » ?

C- Genèse et enjeux sociétaux de la notion de chronicité. Frontières du normal et du pathologique
Les dimensions sociétales, ainsi que la dimension proprement économique de la « chronicisation » des maladies pourraient être interrogées. On analysera les controverses politiques, éthiques et idéologiques, scientifiques, autour des définitions et délimitations du guérissable et de l’inguérissable, de la « pathologie » et de l’« anomalie », de la normalité et de la maladie.

D- Évolutions éthiques
La maladie comme la guérison sont culturellement corrélées aux différentes figures du mal et de la rédemption. Par ailleurs, la relation de soin inclut une triple dimension subjective, intersubjective, et politique avec les différentes théories du care. C’est pourquoi la guérison est dans un rapport étroit avec l’éthique au sens du « souci de soi », des différents modes de subjectivation et des conceptions de l’autonomie qu’il suppose.

Axe 2- Questions autour de la « pair-aidance » (ateliers du jeudi en partenariat avec le CC-OMS)

E- Les expériences nationales et internationales de pair-aidance bénévole et professionnelle. La formation des pairs aidants.
Cet atelier a pour objectif de faire un état des lieux des expériences de pair-aidance en France et à l’étranger (Québec, Pays Bas…), entre utopies, ratages et inventions durables, des plus anciennes (les alcooliques anonymes) aux plus récentes (les médiateurs santé pairs en France). Quels rôles y jouent les associations d’usagers (de patients), les médecins, l’administration de la santé, d’autres réseaux ? Comment sont recrutés et formés les pairs aidants ?

F- Les effets de l’activité des médiateurs de santé pairs et pairs-aidants
Cet atelier s’intéresse aux changements concrets qui résultent du travail de médiateurs-pairs dans les services de santé mentale. Ils sont à observer du côté des équipes soignantes (modification des représentations de la maladie, du rapport aux patients, du langage utilisé, des rapports hiérarchiques, etc.). Réciproquement, cet atelier serait intéressé par l’exposition de situations où l’intégration de pairs aidants dans un service n’aurait provoqué aucune modification significative. Plus largement on s’intéressera à la façon dont ce type innovation a ou non des retombées sur les organisations.

G- Savoir profane, savoir professionnel, savoir-y-faire clinique dans le travail de relation
L’atelier travaillera la question : comment et à quelles conditions des savoirs « profanes », expérientiels peuvent-ils fonder une expertise spécifique ? Un savoir-y faire clinique spécifique ?

H- La réinsertion professionnelle des pairs aidants et malades
De quelles données pouvons-nous disposer sur la réinsertion professionnelle des patients et ex-patients de la psychiatrie ? Le passage par des fonctions de pair aidant bénévole ou professionnel facilite-t-il ultérieurement des insertions professionnelles diversifiées ?

I - Innovations pratiques et cliniques autour du rétablissement et place des usagers dans la politique de santé
Cet atelier se donne pour objectif d’analyser les innovations pratiques et cliniques mises en place par les médiateurs de santé pairs et à leurs conséquences sur les usagers. Plus largement il s’intéresse à la présentation et à l’analyse de dispositifs qui tentent de favoriser le souci du rétablissement et la qualité, notamment en impliquant les usagers dans la conception et dans la prestation des services.

Axe 3- Questions autour des reconfigurations subjectives

K- Maladie et guérison comme épreuves existentielles et sociales
Il s’agit là de s’intéresser à la manière dont les acteurs vivent l’épreuve de la maladie et de sa guérison. Au-delà des diagnostics posés par les professionnels de la santé, comment eux-mêmes se sentent-ils « guéris », ou « allant mieux ». La guérison peut être comprise comme une expérience subjective particulière. Quelles sont les ressources mobilisées par les acteurs au moment de cette expérience ? Quels en sont les supports ? Y a-t-il des éléments déclencheurs à la guérison, ou présentés comme tels ? Comment les acteurs vivent-ils la dépendance due à la maladie puis la (re)conquête de l’autonomie. Se sentent-ils différents, avant et après la maladie ? Qu’est-ce que cela a changé pour eux ?

L- Écritures de la maladie, de la guérison, de la résilience
On propose d’interroger les interactions entre écriture, maladie, guérison et résilience. Vécus thérapeutiques, souffrances existentielles, émancipation trouvent dans la littérature, roman, poésie, théâtre, cinéma, un moyen privilégié de représentation et d’intervention dans l’espace public. L’écriture est mobilisée pour récupérer le pouvoir de symbolisation et d’interprétation, que ce soit de manière personnelle et individuelle, ou dans des dispositifs thérapeutiques, ou dans la promotion de pratiques thérapeutiques qui trouvent dans la fiction, le témoignage, ou le « storytelling » un vecteur médiatique. L’atelier s’intéressera à des publications des genres « majeurs » ou « mineurs » de l’édition ou des textes produits dans d’autres dispositifs.

M- Autonomie, travail sur soi et soins » alternatifs »
Les problématiques de santé et de santé mentale telles que posées et reposées aujourd’hui donnent à voir certaines des déclinaisons de la règle sociale de l’autonomie. Les discours sur la gestion des affections physiques et mentales ainsi que les pratiques visant à renforcer la réflexivité des individus sur celles-ci se sont diversifiés, débordant le champ strictement médical et le champ psychanalytique, et ont élargi le spectre des réponses thérapeutiques, s’étendant du pôle proprement curatif à celui du mieux-être. Cet atelier vise à aborder plus précisément les manières dont le « travail sur soi » intervient dans l’expérience de la maladie et en révise éventuellement le sens. Tout en interrogeant les effets de la généralisation de cette norme du travail sur soi sur les trajectoires de patient/de malade et sur la biographie individuelle, on questionnera les inégalités que le modèle de gestion positive de la maladie/de la souffrance génère aujourd’hui.

N- Place et rôle des familles et des supports sociaux dans le soin et la guérison
Dans le champ de la maladie mentale, comme dans d’autres domaines sanitaire et social, les politiques publiques tendent à opter pour des formes ambulatoires. Dès lors, les proches sont sollicités pour participer aux soins, et ce d’autant plus que l’état des personnes se stabilise. Comment la famille réagit-elle au retour à une allure plus ordinaire de la vie sociale de la personne ? Comment les membres de l’entourage, qui ont été mis à mal par les expressions de la souffrance, par l’annonce d’un diagnostic, par les comportements tantôt violents, tantôt dépendants d’un membre de la parenté, s’adaptent-ils à une période de répit ou à une évolution favorable ? Notre intérêt porte ici sur le rôle des aidants vivant sous le même toit, mais aussi sur celui des membres de la parenté et de l’entourage amical susceptibles d’être présents aux côtés de la personne qui « va mieux ».

O- Nouvelles professions, nouvelles fonctions autour de l’aide à aller mieux
Depuis quelques années, les activités professionnelles dites d’« accompagnement » se développent. Surtout mises en place dans le champ social, elles sont aussi observables dans le champ sanitaire où des « soignants », au sens large, sont de plus en plus chargés d’accompagner des personnes de santé défaillante (atteintes par des maladies aujourd’hui appelées « chroniques » ou touchées par le vieillissement qui entraîne souvent une perte d’autonomie progressive). Il s’agira non seulement de repérer les nouveaux métiers en émergence et leurs nouvelles techniques du mieux-être, mais aussi les reconfigurations des métiers canoniques confrontés à ces nouvelles problématiques. Quelles pratiques, quels savoirs ces (nouveaux) soignants mettent-ils en œuvre ? Quel est le contenu de leur travail prescrit, et quel mandat revendiquent-ils ?

Modalités de soumission

Les propositions de communication sont à envoyer à lise.demailly@univ-lillle1.fr et nadia.Garnoussi@univ-lille3.fr avant le 1er juin 2014 en remplissant un formulaire avec les informations suivantes :

- Nom et Prénom
- Institution de rattachement et adresse
- Publications sur les thématiques du colloque
- Titre de la communication
- Lettre (de A à O) de l’atelier pressenti
- Résumé (2000 à 3 000 signes, espaces compris)

Retour du comité scientifique : 10 juillet 2014
Écrits (de 15000 à 25000 signes), à remettre le 30 octobre 2014
(Une publication aux Presses du Septentrion est envisagée à l’issue du colloque)

Comité d’organisation

Lise Demailly, Catherine Déchamp le Roux, Bernadette Tillard, Michel Autès, Véronique Marchand (CLERSE), Nadia Garnoussi, (CERIES) Olivier Dembinski, Cyril Farnarier ; Jérémie Soulé, Aurélie Loretti, doctorants CLERSE ; Damien Cassan, post-doc ; Sophie Goyat, ITA CNRS, CLERSE ; Odile Saint- Raymond, secrétaire générale adjointe de l’AISLF ; Florentina Rafael, CCOMS

Comité scientifique

Les membres du comité d’organisation, ainsi que :
- Pour le bureau de l’AISLF : Jean Louis Genard (ULB de Bruxelles), Jean-Marc Larouche (UQAM Montréal), Marc-Henry Soulet (U. de Fribourg, Suisse), Didier Vrancken (U. de Liège)
- Pour le CR 32 de l’AISLF (savoirs, métiers, identités professionnelles) : Sophie Divay, Charles Gadéa
- Pour le CR 19 de l’AISLF (sociologie clinique) : Christophe Niewiadomski
- Autres sociologues et anthropologues : Claude Martin (U. Rennes), Sandrine Musso (MCF anthropologie, Aix-en-provence), Giel Hutschemaekers (Pr Psychologie clinique Radboud Universiteit Nijmegen Pays Bas)
- Médecins : Vincent Girard, Psychiatre (MARSS, AP-HP Marseille), Massimo Marsili (CCOMS, Psychiatre à L’EPSM Lille- Métropole et Trieste, Italie), Jean François Pelletier, (Prof. Yale school of medecine Connecticut), Hélène Provencher (Prof. Faculté des sciences infirmières, Univ. de Laval, Québec, Canada), Jean Luc Roelandt, (Psychiatre, Dir. du CC-OMS santé mentale France), Diane Rose (MCF, psychiatre, King’s college, London, Angleterre, Pierre Thomas (Prof. de psychiatrie CHU Lille), Tony Vermeil (Psychiatre, MGEN Lille).


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