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Mardi 16 avril 2024, 06h56

Source : https://www.aislf.org/spip.php?article1204


AISLF - Genre et parcours de vie. Enfance, adolescence, vieillesse

15 juillet 2010

Un appel à communication est ouvert pour un colloque international sur « GENRE ET PARCOURS DE VIE. Enfance, adolescence, vieillesse » qui aura lieu à l’Université de Nancy 2 (France), les 21 et 22 octobre 2010.

Ce colloque a le soutien de la MSH Lorraine, de l’AISLF (CR n°6), de deux équipes de recherche (2L2S-Lasures-Érase des Universités de Nancy et de Metz ; Cultures et Sociétés en Europe de l’Université de Strasbourg) et du programme de recherche international « CEVI ».

APPEL A COMMUNICATIONS

Depuis plusieurs années, les travaux conduits sur le genre ont mis au jour les processus de sexuation mais aussi les critères mobilisés pour définir et hiérarchiser les conduites masculines et féminines dans des domaines divers de l’existence sociale (la famille, l’école, l’emploi, la retraite, etc.). Ceci étant, les recherches articulant les problématiques liées au genre et celles liées à la codification des âges sociaux sont encore assez peu nombreuses. On sait, par exemple, peu de choses des stéréotypes sexués et des normes encadrant les rapports de genre aux deux extrémités des parcours de vie : la période de l’enfance dont les bornes se redéfinissent avec l’apparition de catégories telles que la préadolescence et celle de la vieillesse aujourd’hui désignée par des termes hétérogènes (troisième âge, grand âge, dépendance, etc.). Dans quelle mesure ces désignations sont-elles genrées ? Quels en sont les effets sur les positions et les trajectoires des hommes et des femmes ? Autant de questions qui se posent aujourd’hui avec une acuité particulière.
Au plan théorique, rappelons en effet que, si les désignations du masculin et du féminin ne sont pas anhistoriques, elles ne sont non plus a-biographiques. En effet, les critères définissant la féminité et la masculinité, durant l’enfance, ne sont pas nécessairement ceux qualifiant la féminité et la masculinité au grand âge. Des attributs imputés aux femmes sont même inversés à certains moments de leurs parcours de vie. Par exemple, pendant longtemps jugés fragiles, au grand âge, les corps féminins semblent perçus comme plus « robustes » tant par les professionnels organisant l’accès à l’aide publique que par l’entourage des personnes âgées. Jugées plus résistantes, les femmes âgées seraient plus à même de réorganiser leur quotidien en dépit d’une motricité amoindrie (repasser assise pour soulager les douleurs articulaires, etc.). On mesure ici combien les dimensions mobilisées pour qualifier et hiérarchiser les aptitudes féminines et masculines gagnent à être étudiées en tenant compte des systèmes normatifs encadrant les âges sociaux (1).
Or ces derniers sont aujourd’hui profondément recomposés par des transformations démographiques, économiques et culturelles conduisant à redessiner les modes de désignation et les vécus de l’avancée en âge. En l’occurrence, les recherches sociologiques mettent au jour une transformation des deux dimensions constitutives du parcours de vie : l’institution du parcours de vie (la manière dont une société définit des âges de la vie, des séquences ordonnées de positions, des étapes, des discontinuités) mais aussi les parcours de vie individuels (l’ensemble des trajectoires suivies dans les différentes sphères de l’existence, la manière dont les individus composent avec un modèle de déroulement de la vie que la société leur impose) (2). En substance, après une période d’unification et d’institutionnalisation de ces parcours via la codification d’âges sociaux spécifiques (enfance, jeunesse, adulte, vieillesse), plusieurs travaux soulignent un renversement partiel de la tendance. La multiplication des configurations familiales, des trajectoires scolaires, professionnelles et de santé brouilleraient la nature des étapes socialement reconnues comme faisant grandir/vieillir, comme faisant passer d’un âge à un autre. Et les parcours de vie de la deuxième moitié du XXe siècle s’en verraient, sinon plus flexibles, plus hétérogènes (3). Dans quelle mesure assiste-t-on à une « déstandardisation » des parcours de vie ? Comment les cadrages institutionnels et normatifs codifiant le genre et l’âge se recomposent-ils (4) ? Et qu’en est-il des incidences sur les rapports de genre et les situations socioéconomiques différentielles des hommes et des femmes (5) ?

Pour éclairer ces transformations, les propositions de communications pourront s’inscrire dans l’une ou l’autre de ces thématiques et interrogations :

1 - Les modes de constitution des désignations politiques et institutionnelles de l’avancée en âge et leurs effets

Il s’agit ici de tracer la généalogie et les modalités d’institutionnalisation des nouvelles catégorisations des âges sociaux (prime enfance, enfance, préadolescence, adolescence, jeunesse, maturité, maturescence, vieillesse, grand âge, dépendance…) : ces passages sont-ils présentés comme des ruptures, des continuités ? Quels sont les critères utilisés pour définir ces âges et pour scander le passage d’un âge à un autre ? Dans quelle mesure sont-ils genrés (qu’il s’agisse de critères spécifiquement utilisés pour les hommes et pour les femmes ou bien de critères qui, bien que viricentrés, sont présentés comme généraux et asexués) ? L’étude des acteurs participant de la définition de ces critères est évidemment centrale : quels sont les discours experts participant de la formalisation de ces périodes et de la désignation des bornes temporelles (6) ? Sur quels systèmes normatifs ces discours experts s’appuient-ils ? Et enfin quels liens ces discours entretiennent-ils avec les politiques publiques prenant directement ou indirectement ces âges sociaux pour cibles (politiques scolaires, de santé, de dépendance, etc.) ?

Il s’agit également de comprendre la manière dont les élus, les acteurs institutionnels et les professionnels mobilisent ces catégories : dans quelles acceptions ? Quels types de pratiques professionnelles cela suscite-t-il ? Ces pratiques sont-elles genrées ? Et quels en sont les effets ?
Par exemple, on s’interrogera ici sur l’importance que prend la norme d’autonomie dans des politiques publiques qui tendent à organiser l’accès aux aides à l’aune d’un modèle du « gouvernement de soi » misant sur la responsabilité des sujets et leurs capacités individuelles à dessiner leur propre parcours. Dans cette perspective, les formes du grandir et du vieillir dépendraient, par exemple, de la capacité de chacun à gérer son avancée en âge et les institutions viseraient alors à maintenir – sinon à développer – les degrés d’autonomie individuelle. C’est le cas de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie qui fait de cette notion un des critères d’accès à l’aide publique mais c’est aussi le cas d’un grand nombre de dispositifs scolaires enjoignant les professionnels de l’éducation à concentrer leurs efforts sur les élèves jugés les moins « autonomes ». Bien que cette tendance à déplacer les contradictions du système sur un plan biographique s’observe dans des terrains divers, on sait encore peu de choses de la manière dont ces normes institutionnelles se déploient selon le sexe des individus ciblés, des tensions normatives spécifiques qu’elles génèrent et des nouvelles formes de justification des différentiels d’aptitudes entre hommes et femmes qu’elles peuvent alimenter. Dès lors, comment l’autonomie des hommes et des femmes est-elle appréciée ? Dans quelle mesure les critères utilisés par les institutions pour mesurer l’autonomie de la personne âgée génèrent-ils des différentiels d’aide proposée aux hommes et aux femmes ? Comment cette autonomie est-elle appréciée par les professionnels de l’éducation ? Et quelles en sont les conséquences sur le soutien dont les filles et les garçons peuvent bénéficier ?

Ceci étant, les individus ne sont pas seulement destinataires de ces catégorisations. Ils sont aussi acteurs de leur propre avancée en âge.

2 - Les modes de désignation sociale de cette avancée en âge et leurs effets

Il s’agit ici de comprendre la manière dont les hommes et les femmes, mais aussi les filles et les garçons, s’approprient les catégories médiatiques et institutionnelles qui les ciblent. Par exemple, se saisissent-ils ou non de la catégorie de « préadolescents » véhiculée par les médias, le marketing et les institutions (école) (7) ? Qu’en est-il de la notion de « dépendance » (8) ? Le regard devra aussi être porté sur les désignations sociales, élaborées par les individus et leur entourage, parfois à distance des catégorisations institutionnelles et expertes. Cette activité d’élaboration de critères propres est d’autant plus importante que plusieurs travaux font état d’une tendance à la « biographisation » des parcours de vie (9) . Ce qui était le produit d’un formatage social est aujourd’hui présenté comme la résultante d’un projet, d’une réflexivité. Tel est le cas des événements censés scander le vieillissement. Christian Lalive d’Épinay et Stefano Cavalli ont montré que, contrairement aux discours politiques et médiatiques, la retraite n’est pas l’évènement le plus mobilisé par les individus pour décrire les tournants marquant la deuxième moitié de leur vie. La perte de proches et l’expérience du veuvage sont plus souvent convoquées (10) . Le même décalage se retrouve d’ailleurs pour la ménopause : si le discours médical en fait un tournant essentiel, les femmes l’articulent à d’autres événements sociaux (11). Comment les hommes et les femmes se saisissent-ils/elles de ces catégories d’âge ? Quels sont les critères utilisés par les familles et l’entourage pour définir ces âges sociaux ? Quels sont les marqueurs convoqués (évènement familial, changement corporel, des formes de sociabilité). Quelles stratégies individuelles ou collectives les individus mettent-ils en place pour préserver/augmenter leur autonomie, s’approprier leurs transformations corporelles ? Autant d’interrogations permettant d’explorer les allers-retours entre les constructions institutionnelles ou normatives, et la façon dont elles sont investies.

Enfin, les communications pourront également interroger les effets symboliques, identitaires mais aussi matériels de cette recomposition des modes de scansion et de désignation de l’avancée en âge. La légitimation sociale de ces catégories conduit-elle l’entourage à reconnaître la spécificité de l’expérience du ou de la préadolescente, de la personne âgée classée « dépendante » ? Leur capacité à être acteur/actrice s’en trouvent-elles augmentées ? Qu’est-ce que ces désignations produisent sur les solidarités familiales dont les hommes et les femmes bénéficient ? De manière plus structurelle, peut-on considérer que l’individualisation des vécus du grandir et du vieillir conduit à un rapprochement des trajectoires masculines et féminines ? Ou voit-on, au contraire, apparaître de nouveaux processus maintenant ou renforçant les différentiels sexués de position sociale et économique à mesure de l’avancée en âge ? Par exemple, pour Leisering (12), la déstandardisation des parcours augmenterait le sentiment d’insécurité et conduirait à de nouvelles demandes d’« institutionnalisation de la flexibilité » (cf. par exemple les demandes concernant les dispositifs d’orientation scolaire, de réorientation professionnelle, de soutien de la dépendance). Sont bienvenues ici des propositions interrogeant ces sentiments d’insécurité et leurs manifestations sexuées.

Plus largement, ce colloque entend rassembler des recherches en sciences humaines et sociales prenant pour objet l’étude des différenciations sexuées, observées dans différents espaces et à divers moments des parcours biographiques individuels : l’expérience de l’enfance, de l’adolescence, les épreuves codifiant la vie adulte, l’expérience post-professionnelle et celle du vieillissement. Des données comparatives internationales pourront contribuer à faire émerger les différences de perception du genre, voire les différences de parcours de vie selon les pays ou les aires culturelles.

Il est largement ouvert aux doctorants et aux jeunes chercheurs mais aussi aux chercheurs plus expérimentés souhaitant partager les réflexions engagées autour de nouveaux projets de recherche en lien avec le thème du colloque (réflexions théoriques, méthodologiques, présentation de problématiques de recherches en cours, etc.).

Ce colloque est le premier temps fort d’un cycle de manifestations scientifiques associant la MSH Lorraine et les laboratoires 2L2S/Cultures et Sociétés en Europe. Il accorde une large place aux approches sociologiques s’intéressant aux tournants d’âge et au vieillissement dans une perspective genrée. Le second versant, prévu en novembre 2011, se centrera davantage sur les approches anthropologiques des transitions de l’enfance à l’adolescence.

Monique Legrand, Ingrid Voléry, 2L2S-Lasures.

PROPOSITIONS DE COMMUNICATIONS :

Les personnes désirant soumettre une communication doivent envoyer un résumé de 20 à 30 lignes, pour le 2 juillet 2010 (au plus tard pour le 15 juillet) simultanément à :
- Sahlia TRAORE (coordinatrice du comité d’organisation) : sahlia.traore@hotmail.com
- Monique LEGRAND monique.legrand@univ-nancy2.fr
Le texte complet des communications sera ensuite adressé aux organisateurs sous une forme définitive (les normes de publications seront envoyées plus tard) pour fin octobre 2010.

PUBLICATIONS :
Les communications les plus significatives feront l’objet d’une série de publications.
- Un dossier spécial (« Genre et vieillissement ») de la revue de sociologie de l’AISLF est prévu
- Des actes en lignes sont également envisagés.

COMITE SCIENTIFIQUE (pressenti) :
Didier Vrancken (CRIS-Université de Liège), Christian Lalive d’Épinay (Centre Interfacultaire de Gérontologie, Genève), Marc Bessin (Institut Marcel Mauss, CNRS-EHESS), Monique Membrado (LISST-CIEU, Université de Toulouse 2), Virginie Vinel (2L2S-Erase, Université de Metz), Nicoletta Diasio (Cultures et sociétés en Europe, Université de Strasbourg), Monique Legrand et Ingrid Voléry (2L2S-Lasures, Université de Nancy2), Liliana Gastrón (Universidad Nacional de Luján, Argentine), Jean-François Guillaume (Université de Liège), Nicky Le Feuvre (Université de Lausanne), Cornélia Hummel (Université de Genève).

COMITE D’ORGANISATION :
Monique Legrand, Ingrid Voléry, Sahlia Traore, Julien Biaudet, Sylvie Laguerre, Frédérique Bey.


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