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Jeudi 28 mars 2024, 16h35

Source : https://www.aislf.org/spip.php?article2886


Travail social, partenariat et transactions sociales

Appel à communication pour une Journée d’étude qui se tiendra à Charleroi, du 26 au 28 novembre 2015

Cette Journée d’étude du CR 21 Travail social, partenariat et transactions sociales se tiendra à Haute Ecole Louvain en Hainaut (Belgique) et Ecole Sociale de Charleroi. Les propositions de communication sont attendues pour le 15 juin 2015 (nouveau délai).

Appel à communication

Dans de nombreux pays, le travail social est passé par une recomposition tumultueuse, produite par un curieux mélange de néolibéralisme (« l’assisté » devient « entrepreneur de soi ») et de radicalisme libertaire, visant l’émancipation collective et l’auto-organisation des plus démunis. En France, dans les années 1990, ce débat a opposé les défenseurs du travail social statutaire aux partisans de son élargissement à l’intervention sociale.

La territorialisation de l’action sociale et la politique de la ville ont profondément transformé les pratiques du travail social en France, appelé par les collectivités territoriales et l’État central à s’engager dans des « dispositifs » d’actions partenariales locales, à conduire des « projets » et à évaluer des actions collectives. Dans plusieurs pays d’Europe, sous l’influence des normes de la « nouvelle gestion publique », le travail social est réorganisé et soumis à des objectifs de réduction des coûts et de contrôle des procédures d’intervention. Les formes d’intervention se diversifient et soumettent l’action des professionnels à des évaluations, contrôles de gestion et commandes publiques. En même temps, mais dans une autre logique, des organisations (associations, fondations, sociétés coopératives, groupes d’intérêt public) et des équipes professionnelles développent des « innovations sociales » : des recherches-actions et des dispositifs locaux construits en partenariat, pour répondre aux problèmes sociaux induits par les mutations économiques en cours.

Le « partenariat » est invoqué quand les travailleurs sociaux interviennent dans des dispositifs et des projets de développement local, social ou socioculturel ; ils collaborent avec des acteurs appartenant à d’autres professions et d’autres institutions. Nous faisons l’hypothèse que la recomposition en cours des compétences professionnelles et des secteurs d’activités repose sur un complexe de raisons opposées : venant « d’en haut » (top down), l’injonction au partenariat exige du travail social qu’il s’associe à des acteurs extérieurs à sa culture et à son champ (dans sa définition restrictive) : la police, la justice, l’école, l’entreprise, etc. Venant « d’en bas » (bottom up), l’aspiration à sortir du travail social individuel et réparateur, car il traite les symptômes, vise à agir sur les causes profondes des problèmes sociaux, qui relèvent d’interventions économiques, politiques, culturelles, etc.

Le partenariat est un mot galvaudé depuis la faillite des fameux « partenariats publics privés » : avec la bénédiction des pouvoirs publics, ces partenariats ont permis de construire vite des hôpitaux ou des prisons, mais à des conditions financières excessivement profitables au partenaire privé, laissant le gestionnaire public financièrement exsangue. Ici, les partenaires sont des acteurs associés, dans un rapport conventionnel entre institutions et/ou dans des relations interpersonnelles en réseaux. Ils font partie d’un collectif organisé et coordonné pour atteindre un objectif commun. Pourtant, leurs intérêts divergent et ils fixent des objectifs contradictoires à l’action collective. Pour parler sérieusement de partenariat, il faut abandonner la rhétorique de l’égalité et de la complémentarité parfaites entre les partenaires, pour analyser les rapports de domination, de pouvoir et de contre-pouvoir entre eux. Le partenariat peut se construire comme une contrainte sur le travail social et/ou comme un champ de possibles et d’innovations.

Le travail social partenarial s’inscrit dans des pratiques multiples, des relations intersubjectives, des identités professionnelles croisées et des cadres institutionnels complexes. Il engage des aidants et des aidés, des partenaires locaux et des contextes législatifs, institutionnels, professionnels. Ces actions se prêtent à des analyses en termes de transaction sociale : c’est un processus d’ajustements réciproques, qui sont en même temps conflictuels et consensuels. Le travail social en partenariat s’exerce souvent dans des situations peu structurées, avec une régulation relativement ouverte, ce qui laisse des marges d’initiative aux acteurs pour développer leurs objectifs et leurs convictions. Ce sont des situations « semi-structurées et semi-aléatoires » quand les acteurs détiennent une part de pouvoir de décision ou d’influence. Les ajustements successifs ouvrent de possibles accords sur des solutions partagées (provisoires ou durables). Le travail social en partenariat parvient souvent à élaborer un sens commun et des « principes d’accords » aboutissant à des « produits transactionnels » qui résultent d’une invention permanente à partir d’injonctions contradictoires, d’intérêts divergents, de rapports de pouvoir inégaux. Le produit transactionnel suppose un « compromis pratique qui ne dit rien sur le niveau de consensus ».

Le concept sociologique de transaction sociale s’inspire du droit et de l’économie, mais en insistant sur la pluralité des valeurs à prendre en compte (la seule valeur monétaire est insuffisante) et sur l’informel, qui est étranger à l’univers juridique. La transaction ouvre la voie à une analyse des relations concrètes entre deux ou plusieurs personnes (ou groupes, ou institutions) qui ajustent progressivement leurs objectifs au cours d’échanges successifs, en vue d’aboutir à un accord partiel, en forme de « compromis pratique », sans renier pour autant leurs valeurs et leurs intérêts respectifs.

Pour étudier à nouveaux frais les partenariats dans le champ social, dans une perspective cumulative, le Comité de Recherche « Transactions sociales » s’appuie sur le séminaire qu’il a organisé en 1997, en « partenariat » avec le Service de la formation continue de l’université de La Rochelle, débouchant sur une publication : Les transactions aux frontières du social.

Pour les travailleurs sociaux, travailler « aux frontières » veut dire avoir un pied dans l’institution de travail social et un pied dehors, pour coopérer avec de nouveaux partenaires à l’échelle d’un territoire : les élus locaux et les agents de différents services, les entreprises, les organismes de logement et de transport, etc. S’ils innovent, les travailleurs sociaux tiennent à conserver leur identité propre, ce qui passe par une transaction identitaire qui associe continuité et rupture. C’est une « double transaction », à la fois biographique et relationnelle. Des partenaires ayant des objectifs opposés font des compromis transactionnels pour conclure sur une orientation ou une décision commune.

Le paradigme de la transaction sociale permet d’analyser la manière dont se (re)distribue le pouvoir entre les multiples acteurs, ainsi que les montages et les compromis entre eux, bien souvent précaires. Trois niveaux d’analyse sont privilégiés :

  • Axe 1 : Les rapports entre travailleurs sociaux et destinataires « actifs » du travail social et médiations ;
  • Axe 2 : Les rapports entre les professionnels et les partenaires institutionnels dans le cadre de projets et dispositifs en tensions ;
  • Axe 3 : Partenariats inter-professionnels.

Les contributions attendues peuvent :

  • analyser un partenariat engageant une forme de travail social à l’un de ces trois niveaux ;
  • comparer différents cas. L’entrée peut être ethnographique, historique, institutionnelle, etc.
    Les contributions sur des pays étrangers, ou une comparaison internationale, sont particulièrement souhaitées

Modalités de soumission

Les propositions de communication ne devront pas dépasser 4000 signes espaces compris. Elles devront s’inscrire explicitement dans l’un des axes. Elles comporteront les mots clés, les principales références bibliographiques et une brève présentation de l’auteur(e) (ou des auteurs).

Elles seront envoyées à Jean Foucart et Maurice Blanc avant le 15 juin 2015.

Télécharger l’appel complet.


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