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Jeudi 25 avril 2024, 23h46

Source : https://www.aislf.org/spip.php?article3192


Fluidité sociale et conceptualisations de l’entre-deux

Jean Foucart

Jean Foucart, Fluidité sociale et conceptualisations de l’entre-deux. Systèmes semi-chaotiques, réseaux et transactions sociales, Paris, Editions Persée, 2016.

Constatant qu’une vie sociale se déroule dans l’entre-deux : entre ordre et désordre, transparence et opacité, coopération et conflit, l’auteur aborde la question d’un point de vue original : la sociologie et par ricochet les sciences sociales en général. Il porte davantage son attention sur les processus plutôt que sur les structures, à l’inverse de ce qui se fait généralement en sciences sociales.
De ce fait, ces dernières ont peu de concepts pour analyser les changements brusques et imprévisibles. A l’inverse, les processus permettent de mettre en évidence l’indétermination structurelle, sans que cela n’implique des incohérences ou un manque de repères. Face à l’incertitude l’action sociale incorpore le hasard sans que l’on ne soit dans une situation d’anomie objective. Il convient d’articuler les processus aux structures. Le lien entre les processus et structures sont eux-mêmes semi aléatoires.

Il s’agit d’intégrer l’histoire en donnant de l’importance aux événements sans tomber dans l’historicisme où tout serait possible. On navigue toujours dans l’entre-deux. Le contexte est semi structuré et les actions ont des effets semi aléatoires. L’auteur répudie par là le concept de société tel qu’il est souvent défini en sociologie. Dans ce cas, la société est un ensemble fermé correspondant aux limites de la souveraineté des Etats membres. Il rejette aussi la métaphore de la machine comme si la vie sociale était asservie à une unité supérieure s’imposant du dehors. La situation idéale ne suppose pas une planification centralisée. Pourtant, une série d’actions non coordonnées entre elles, peuvent avoir des effets convergents et diffus. Il n’y a pas suprématie d’un politique centralisateur et rationalisateur. En même temps, on n’adhère pas davantage aux vertus d’une autogestion généralisée. Il s’agit plutôt de mettre en perspective une situation d’où émerge un pluralisme démocratique, où le conflit n’est pas résiduel et permet d’aboutir à une élucidation progressive.

Comme le dit l’auteur, citant Vattimo : « on se trouve dans une ontologie faible. L’être n’est rien d’autre que ce qui arrive. Ce qui arrive n’est pas naturel…mais ce qui a pris forme, parmi d’autres formes possibles ». Il s’agit d’une pensée « faible ». Elle équivaut à une réalité « allégée » qui n’est pas nettement divisée entre vérité et erreur. Le raisonnement se fait en termes de probabilité et non en logique aristotélicienne. On sort d’une pensée pétrie de transcendance qui présupposerait un centralisme hiérarchique.

L’ouvrage est imprégné d’une pensée pratique qui n’est pas à la remorque d’une théorie. Jean Foucart est préoccupé de proposer des paradigmes qui sont des schémas d’intelligibilité des faits sociaux tels qu’ils les caractérisent. Au fond, il est inspiré par une attitude proche du pragmatisme : l’environnement représente des problèmes concrets à résoudre en commun. Dans ce monde en train de se faire, on passe par des phases d’équilibrage et de déséquilibrage. L’équilibre est une limite qui n’est jamais atteinte, car il y a changement des termes d’échange en cours de route. Dans tout cela, on éprouve l’expérience de l’expérimentation. Bref, on se trouve devant une communauté illimitée d’explorateurs. On arrive à ce type de paradoxe où l’acteur social ne se réduit pas à une articulation de rôles. Ceci aboutit à la notion de « sujet » qui ne peut être pensé sans faire intervenir le phénomène du sens.

Le rôle de l’entre-deux grandit dans un contexte marqué par l’ampleur de la fluidité. Ce contexte est également dénommé : situation de modernité avancée. Caractériser cette situation est le point de départ du texte. Vient ensuite, la proposition de paradigmes pour élucider la situation. Il propose trois paradigmes : les systèmes complexes semi chaotiques, les réseaux sociaux et la transaction sociale. Les trois paradigmes sont en affinité élective et se renforçant l’un l’autre sans que l’un ne se déduise de l’autre. Ces paradigmes sont complémentaires. Il n’y a pas de priorité ou de hiérarchie entre eux. On pourrait aussi bien commencer l’exposé par la transaction sociale. Ceci amènerait à voir comment celle-ci devient de plus en plus centrale et plausible. Ces paradigmes sont semi autonomes. Selon Jean Foucart, chacune de ses entrées analytiques permet d’élucider la fluidité du social.

Cet approche donne à réfléchir sur le rôle des interactions, face à l’incertitude et au risque.

Jean Foucart est membre de l’AISLF.


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