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Samedi 20 avril 2024, 16h12

Source : https://www.aislf.org/spip.php?article4156


Témoignage

Georges Balandier

Yvonne Roux vient de disparaître avec une élégante discrétion, sans que rien n’ait pu laisser imaginer sa mort alors qu’elle vivait sous la menace du retour du mal insidieux. Jusqu’aux dernières semaines elle resta présente, active, souriante, disponible afin d’apporter l’aide de son expérience et de sa compétence si on la demandait. Elle aimait à retrouver ceux à qui elle s’était attachée au cours de sa vie professionnelle — elle avait un sens exigeant de l’amitié — et à revenir sur les lieux de son travail, de ses archives, de ses souvenirs — notamment à I’École des hautes études en sciences sociales où elle commença par assurer mon secrétariat scientifique dès 1966.

Yvonne ROUX, de formation universitaire à dominante philosophique, entra au CNRS où sa carrière s’effectua dans le cadre des collaborateurs techniques, puis des Ingénieurs de recherche. C’est à la demande de Georges Gurvitch qu’elle dut son orientation. Elle fut sa secrétaire, sa lectrice et correctrice des manuscrits, jusqu’à la mort du sociologue en décembre 1965. C’est par lui qu’elle fut associée aux premières manifestations de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF), qu’il fonda avec le sociologue belge Henri Janne, son ami. C’est par lui qu’elle fut progressivement préparée à la mise en forme des volumes des Cahiers Internationaux de Sociologie (CIS), qu’il avait créés en 1946. Son attachement à Gurvitch ne s’est jamais relâché, elle veillait à entretenir « l’actualité » de son œuvre.

Après la disparition de Georges Gurvitch qui m’avait transmis « en héritage » la responsabilité des Cahiers, et demandé dès l’origine de contribuer à la vie et la gestion de l’AISLF, j’ai pu obtenir de l’administration du CNRS l’affectation d’Yvonne Roux à mon secrétariat. Durant plus d’une vingtaine d’années nous avons été liés, l’activité formellement prescrite se transforma en une collaboration vraie et la relation professionnelle en une amitié solide. Elle intervint ainsi en trois des domaines où je me trouvais responsable et initiateur. Au Laboratoire de sociologie et géographie africaines dont je fus avec le géographe Gilles Sautter le créateur durant les années 1960, laboratoire qui a associé le CNRS et l’EHESS. Yvonne Roux y avait la charge de la gestion administrative et du secrétariat scientifique. Aux Cahiers, elle fut responsable du secrétariat de rédaction, puis membre du Conseil de rédaction et Comité de lecture. Elle y veillait à la correction des textes, à la stricte régularité de la publication. Elle y contribuait par la mise en forme des volumes thématiques et par des comptes rendus d’ouvrages. Elle assuma la fonction de trésorier de l’Association des amis des CIS (AClS). À l’Association internationale des sociologues de langue française où j’accedai à la présidence en 1968, elle ne cessa pas d’affirmer son engagement, militant au service d’une institution si propice aux échanges intellectuels et au développement des sciences sociales dans l’espace de la francophonie. Elle en devint la secrétaire générale.

Yvonne ROUX était la mémoire vivante des organisations auxquelles elle collaborait, elle se constituait gardienne de leur image de continuité. Elle avait en chacune d’elles une incontestable présence ; sa popularité entretiendra celle-ci au-delà de la disparition.


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