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Jeudi 28 mars 2024, 14h17

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Repenser la Justice dans le domaine de l’éducation et de la formation

Jean-Louis Derouet et Marie-Claude Derouet-Besson (dir.)

Jean-Louis Derouet et Marie-Claude Derouet-Besson (dir.), Repenser la Justice dans le domaine de l’éducation et de la formation, Peter Lang INRP, 2009

Cet ouvrage propose une reproblématisation de la question de la justice dans le domaine de l’éducation et de la formation. Un large accord s’est constitué à partir du 18e siècle pour considérer l’objectif d’égalité comme la traduction de l’exigence permanente de justice. La première modernité s’est organisée autour de l’idéal d’égalité des chances, qui a constitué un des piliers du projet de redistribution de l’État providence. Ce modèle est entré en crise à la fin des années 1960. Dès le milieu des années 1970, les organisations internationales ont proposé de nouvelles références qui tentaient de conserver la perspective d’égalité tout en tenant compte des réalités sociales. Avec la notion d’équité, l’OCDE a travaillé un compromis qui aménage la définition de l’égalité en fonction des situations jusqu’à accepter l’idée d’« inégalités justes ». La Banque mondiale a proposé de substituer à l’idéal d’égalité des chances l’objectif d’égalité des résultats. Ces références ont inspiré et inspirent encore les politiques mais elles n’ont nullement stabilisé le débat.
Dans une société critique, aucune définition du bien commun ne peut écarter les autres. L’idéal d’égalité des chances reste une figure obligée des discours politiques. La reconnaissance des différences, qu’elles tiennent au genre, au handicap, à la religion, à la culture, à l’origine ethnique…, constitue maintenant une définition de la justice à part entière. La mondialisation a reformulé les objectifs des politiques d’éducation : le but principal n’est pas l’égalité à l’intérieur d’une société mais le rang du pays dans la compétition internationale. Ce nouveau référentiel s’est constitué aux États-Unis dans les années 1980 et s’est peu à peu imposé à l’ensemble du monde. Il inspire la politique européenne depuis la conférence de Lisbonne en 2000 et met en place une instrumentation centrée sur l’obligation de résultats.
Comment une deuxième modernité peut-elle construire un nouveau projet éducatif dans cet univers à justifications multiples ? L’ouvrage propose de suivre des mouvements parallèles de recomposition des formes de la justice et des formes de l’État.
Avec la notion de Troisième voie, le néo-travaillisme britannique a proposé un bricolage qui tente de maintenir quelques garanties de l’État providence tout en faisant leur place au marché et à l’obligation de résultats. Cette orientation a été reprise par la plupart des pays européens. Que sait-on des reformulations de l’État et de leurs conséquences en matière d’éducation ?
Quelle est la validité de la proposition d’« égalité complexe » qui tente de rapprocher l’objectif de redistribution de l’objectif de reconnaissance des différences ?
En face de ces recommandations internationales, quelle est l’évolution du modèle social français, longtemps présenté comme une exception ? Quelle est en particulier la conception de la justice portée par la LOLF ?
Comment interpréter le mot d’ordre actuel de diversification de l’offre d’éducation ? S’agit-il seulement de la mise en place d’un marché ? Serait-il possible de retrouver dans le contexte actuel la variété des parcours qui a permis après la Deuxième guerre mondiale une démocratisation rampante qui s’est arrêtée lorsqu’a commencé la mise en système ?
La séparation entre l’école et la vie sociale qui a été conçue à l’origine comme une protection devient un obstacle car les enfants d’origine populaire ne retrouvent pas les enjeux de leur vie quotidienne dans l’atmosphère aseptisée de l’école. Faut-il pour autant considérer les mesures actuelles qui relient la formation aux entreprises comme un facteur de progrès ?
La fin du 20e siècle a été marquée par une atmosphère « anti État » et les années 1990 ont placé beaucoup d’espoir dans les régulations locales. La crise financière de 2009 a amorcé le retour de l’intérêt pour les régulations étatiques. Quelles sont les implications de ce mouvement dans le domaine de l’éducation ?
Ces bricolages évitent l’explosion ou l’implosion des systèmes. Il n’est pas sûr qu’ils construisent un nouvel ordre, encore moins un nouveau projet de démocratisation. Surtout les définitions de la justice qu’ils portent risquent d’être dépassées par d’autres revendications : celles qui concernent les droits des enfants, puis les droits des élèves dans les établissements scolaires ; celles aussi qui portent sur les inégalités d’éducation entre le Nord et le Sud.

Jean-Louis Derouet et Marie-Claude Derouet-Besson sont membres de l’AISLF.


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