Blandine Destremau et al.
Myriam Catusse, Blandine Destremau et Éric Verdier, L’État face aux débordements du social au Maghreb. Formation, travail et protection sociale, Paris, Iremam-Karthala, Coll. Hommes et Sociétés, 2010, 458 p.
Au Maghreb, sous l’empire de la renégociation de la dette publique et des injonctions des organismes internationaux, « l’État développeur » des lendemains de l’indépendance, tout à la fois moderniste, patrimonial et autoritaire, avait dû se faire « modeste » et en appeler au développement du secteur privé ainsi qu’à une implication renforcée de la « société civile ». Le succès n’a pas été au rendez-vous de ce tournant pris dans les années 1980. Bien plus, des inégalités sociales renforcées, des taux de chômage plus élevés, un système éducatif dévalorisé, une offre publique de soins dégradée ainsi que de nouvelles formes de pauvreté se sont conjugués pour mettre à mal un lien social déjà fragile.
Parmi bien d’autres, des mouvements sociaux comme ceux des diplômés chômeurs ou les protestations récurrentes contre l’envolée des prix alimentaires, témoignent d’une angoisse individuelle et collective telle qu’elle s’est muée, par delà des calendriers spécifiques, en une priorité commune aux agendas politiques des trois pays du Maghreb : « sécuriser » la société en endiguant les « débordements » du social. C’est à déchiffrer ce moment particulier des mutations de l’action publique que s’attache ce livre.
Ciblé sur trois activités principales – la formation, l’accès à l’emploi et la protection sociale –, l’ouvrage montre que la réforme de ces politiques se définit dans des configurations spécifiques, à la fois nationales et locales. Résolument comparatiste, la démarche s’intéresse d’abord aux trajectoires des « États sociaux maghrébins », mises à l’épreuve des réformes actuelles et de mouvements protestataires. Puis, la réflexion se concentre sur les réajustements des politiques de formation et d’emploi. S’affichent les profonds déphasages entre les ambitions avancées aux débuts des années 2000 et les conditions sociales qui président, localement ou sectoriellement, à la construction des compétences professionnelles. Enfin s’échafaude une interrogation sur les devenirs des politiques sociales au Maghreb.
Blandine Destremau est membre de l’AISLF