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Appels à contributions

Politique africaine : « Penser l’anti-genre en Afrique »

La revue Politique africaine lance un appel à articles pour un dossier thématique sur « Penser l’anti-genre en Afrique », dossier coordonné par Patrick Awondo (University of Yaoundé 1- University College of London), Emmanuelle Bouilly (Les Afriques dans le monde (LAM) Sciences Po Bordeaux) et Marième Ndiaye (Les Afriques dans le monde (LAM) Sciences Po Bordeaux).


Date limite de soumission : 10 septembre 2021

Thématique
Depuis une vingtaine d’années, des campagnes anti-genre se développent en Afrique. En tant que catégorie analytique, l’anti-genre recouvre une diversité d’acteurs sociaux et politiques qui considèrent qu’il existe « une théorie du genre » et l’ont érigée en problème public (Kuhar et Paternotte, 2017). Ce travail politique, initialement entrepris par le Vatican et observé en Europe, repose sur la délégitimation des études de genre accusées d’être idéologiques et non scientifiques, ainsi que sur la désignation du genre comme « ennemi porteur d’une vision dénaturalisée de l’ordre sexué et sexuel » (Garbagnoli et Prearo, 2017 : 10). Les formes d’expression des opposant.e.s au genre sont plurielles : prises de position individuelles et scandalisation publique, campagnes de lobbying, mobilisations collectives. L’antigenre désigne des discours et des actions d’opposition au concept et aux études de genre, et partant aux transformations sociales, politiques et juridiques permises par les luttes des féministes et des minorités sexuelles qui en ont découlé. Il s’agit d’une rhétorique et d’un mouvement blacklash conservateur protéiforme.

Les exemples d’opposition au genre émaillent l’actualité récente du continent africain. Alors qu’une grande majorité des États a ratifié le Protocole de Maputo, qui reconnaît le droit à l’avortement dans certaines circonstances spécifiques (art.14), celui-ci reste largement réprimé et fait l’objet de débats de société clivants. Au Kenya, en 2018, une controverse a éclaté autour de la fermeture des centres médicaux accueillant des femmes ayant subi des complications après des avortements clandestins. Les féministes ont dénoncé la « négligence » de l’État et son « incapacité » à assurer et promouvoir des services de santé sexuelle et reproductive. Malgré la campagne menée par les lobbies religieux, elles ont obtenu la réouverture des centres de santé. Dans plusieurs pays à majorité musulmane, c’est la question de la réforme du droit de la famille qui oppose depuis longtemps féministes et conservateurs. Si le Maroc a réussi à réformer sa législation (Vairel, 2014), d’autres pays comme le Sénégal ont choisi le statu quo (N’Diaye, 2016), voire sont revenus sur les acquis existants sous la pression de groupes religieux, à l’instar du Mali (Soares, 2009). Ailleurs sur le continent, les tensions se sont focalisées sur l’homosexualité (Awondo, 2019 ; Currier, 2018). En 2018, au Cameroun, l’« affaire des manuels scolaires »2 a conduit au retrait d’un chapitre d’un manuel de biologie qui faisait référence à l’homosexualité. Cette levée de boucliers rappelait l’« affaire des listes d’homosexuels de la République » (2006), qui avait déjà suscité une vague homophobe. Sur le continent, la répression pénale des homosexuels donne lieu à des procès médiatisés, au cours desquels la frontière entre droit et morale est particulièrement ténue (Dupret et Ferrié, 2004 ; Abéga, 2007).

Ce numéro se fixe dès lors deux objectifs principaux. Il s’agit d’abord de documenter finement la construction d’un argumentaire et de mobilisations anti-genre en Afrique. Qui en sont les acteurs et les actrices ? Quels discours et modes d’action déploient-elles ? Comment s’opère le passage du discours à la protestation ? De quelles ressources et réseaux disposentelles ? Répondre à ces questions permettra de combler certaines lacunes scientifiques. D’une part, l’anti-genre sur le continent africain n’a souvent été étudié que par la bande, notamment au travers de recherches consacrées aux mouvements féminins ou féministes ou aux programmes internationaux de gender mainstreaming. Les réactions de l’anti-genre sont intégrées à l’analyse mais ne constituent pas l’objet principal des enquêtes (N’Diaye, 2016 ; Awondo, 2019). D’autre part, les travaux sur les campagnes anti-genre restent essentiellement cantonnés aux cas européens (Kuhar et Paternotte, 2017) et sud- et nordaméricains (Avanza et Della Sudda, 2017 ; Correâ, Paternotte et Kuhar, 2018). Ce n’est qu’à de rares exceptions que l’Afrique tient une place dans les études consacrées au Global South sur cet enjeu (Anderson, 2011). L’anti-genre y a surtout été étudié sous l’angle de l’homophobie et de ses réseaux chrétiens conservateurs transnationaux sans que le lien avec d’autres mobilisations conservatrices (Politix, 2014), à l’instar des mouvements masculinistes ou antiféministes, n’ait été pleinement saisi.

Les contributions attendues pourraient s’organiser autour des 4 axes suivants :

  • Axe 1 : Profil et espaces de mobilisation des anti-genre
  • Axe 2 : Organisations et répertoires de l’anti-genre
  • Axe 3 : Circulations et transnationalisation de l’anti-genre
  • Axe 4 : Repolitisation du genre au prisme de l’anti-genre

Lire l’appel complet

Soumission d’articles
Les propositions d’articles inédits se composeront d’un résumé d’une page à envoyer à Patrick Awondo (pawondo2005@yahoo.fr), Emmanuelle Bouilly (e.bouilly@sciencespobordeaux.fr) et Marième N’Diaye (marieme.ndiaye@cnrs.fr)

Les contributions pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs de ces axes. Elles offriront des analyses originales sur la pluralité des formes d’expression de l’anti-genre en Afrique, dans des contextes chrétiens comme musulmans. Au niveau éthodologique, les contributions s’appuieront sur de riches matériaux empiriques : ethnographiques, historiques ou littéraires, récoltés aussi bien par le biais de méthodes qualitatives que quantitatives. Les approches interdisciplinaires sont encouragées.

Pour plus d’informations sur le format des articles à soumettre, voir : https://polaf.hypotheses.org/soumet...


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