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Yves DUTERCQ (1955-2020)

Pour Yves

Anne Barrère

Nous avions été tous les deux profs de français, on disait aussi parfois de « lettres modernes » ; nous avions jeté l’éponge au bout d’environ une dizaine d’années. De nos impressions vives, de notre sentiment d’étrangeté dans ce métier familier, nous avons tous les deux faits des objets sociologiques, une part de notre complicité venait de là. Il a écrit « Thé ou café en salle des profs ? Ou comment l’analyse des réseaux peut aider à comprendre le fonctionnement d’un établissement scolaire » (Revue française de pédagogie 1991).

Nous étions tous les deux sociologues de l’école, nous étions heureux de l’être, nous l’étions devenus au contact d’autres sociologues de l’école, à peu près les mêmes, pas toujours en même temps, dont quelques-uns, quelques-unes sont devenu·e·s des ami·e·s. Nous avons fait notre route, carrières parallèles, objets en partie différents mais regards compatibles, Yves est devenu spécialiste des politiques scolaires, du nouveau management public, de la formation des élites. Quand on est collègues et amis, on s’envoie les publications, on se donne des conseils sur les responsabilités universitaires et les situations à essayer d’éviter, on se raconte les galères, les victoires, mini ou maxi, on se compare sans concurrence, on se lit. Je me sers tout le temps de certains livres qu’il a écrits, co-écrits ou dirigés : L’établissement scolaire, entre autonomie locale et service public ; Politiques éducatives et évaluation : querelles de territoire ; Où va l’éducation entre public et privé ?. Il y en a beaucoup d’autres, en collaboration avec beaucoup de collègues différents. La comparaison amicale non concurrentielle n’est pas incompatible avec un étonnement continu devant l’énergie de l’autre.

Ensuite, on s’est vus dans des jurys de thèse, on a construit et animé un temps un cours pour les chefs d’établissement à l’ESEN de Poitiers, avec Nathalie (Mons) et Hélène (Buisson-Fenet), largement appuyé sur ses travaux sur les établissements scolaires. Mais on n’a finalement jamais écrit ni publié ensemble. Il s’était avéré entre temps que nous avions d’autres points communs biographiques que l’enseignement secondaire, on en faisait le constat quand on mangeait ensemble, on parlait aussi de romans, de littérature. Parfois, elle dit mieux que la sociologie certaines choses de la vie. On aimait tous les deux La recherche, Un barrage contre le Pacifique. Villa triste aussi.
« Ce sont amis que vent emporte / Et il ventait devant ma porte… »
Je n’oublierai pas Yves. Nous ne l’oublierons pas.

Anne BARRÈRE
Université Descartes


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