Ma rencontre avec Yves date des années 1980. La sociologie francophone commençait alors à s’intéresser au fonctionnement concret des écoles, aux interactions qui s’y établissaient au quotidien. Nous avons tous les deux fait partie de ceux qui se sont engagés dans cette voie. Nous avions le même âge, nos références théoriques et méthodologiques étaient compatibles, il fut facile de s’entendre.
Yves a été un pilier du Groupe d’études sociologiques de l’INRP fondé et piloté par Jean-Louis Derouet. Il a contribué de façon très significative à l’affirmation de la sociologie des établissements scolaires, qui est devenue sociologie des politiques territoriales dans la foulée de la décentralisation.
Yves fut aussi de ceux qui ont lancé la revue Éducation et Sociétés en 1998, dont il était le rédacteur en chef adjoint. Il fait partie de la petite équipe qui parvint à en faire une revue essentielle en sociologie de l’éducation et un repère majeur pour les sciences de l’éducation.
Tous les collègues qui ont eu la chance de travailler avec lui peuvent témoigner de ses grandes qualités de sociologue, de la finesse de ses observations, de la précision de ses textes. Il laisse des écrits qui attestent sa créativité, la constance de ses intérêts qui ont pu trouver de nouveaux objets pour s’exprimer au mieux.
L’homme était bien plus qu’un grand professionnel, le sérieux de son travail, l’aridité de certains de ses objets n’en ont pas fait un savant austère. D’autres diront mieux que moi le souci qu’il avait de ses proches et plus largement l’attention qu’il portait à chacun. Pour ma part, j’aimais particulièrement son élégance nonchalante et sa gentillesse qui rendaient sa compagnie si précieuse.
Yves faisait partie des collègues que je retrouvais toujours avec le même plaisir à des moments rituels, comme les congrès de l’AISLF, les colloques de sociologie de l’éducation. Sa présence y était une évidence, l’idée qu’il pourrait un jour rater ces rendez-vous ne m’avait jamais traversé l’esprit. Sans lui, ces rencontres n’auront plus jamais la même saveur.
Jean-Émile CHARLIER
Professeur émérite, Université catholique de Louvain